Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/56

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tissent du bruit de mille serviteurs empressés à dresser sur les tables un festin splendide. La troupe sobre se contente de ce qu’elle possède et partage avec moi ses richesses ; elle me soulage de mes fatigues sur un lit de roses, daigne inviter à sa table mon indigence et me restaure par des mets sacrés et un nectar délicieux. Elle ne me tient pas seulement compagnie à la maison ; elle vient volontiers avec moi à travers les bois et les prairies animées des nymphes ; elle hait la foule tumultueuse et les villes bruyantes.

Souvent je passe des journées entières seul dans des lieux écartés. J’ai dans ma main droite une plume, ma main gauche tient une feuille de papier, et diverses pensées remplissent mon âme. Ah ! que de fois en marchant je suis tombé sans le savoir dans le repaire des bêtes fauves ! que de fois un petit oiseau a détourné mon esprit d’une haute pensée et l’a reporté mal à propos sur lui ! C’est alors que m’importune celui qui s’offre à moi au milieu du chemin ombreux ou qui me salue à voix basse pendant qu’occupé d’autre chose, je prépare de grands travaux. J’aime à savourer le silence d’une vaste forêt. Le moindre bruit m’incommode, si ce n’est quand un ruisseau limpide bondit sur le sable ou qu’un léger zéphir fouette le