Page:Pétrarque - Lettres de Vaucluse, trad. Develay, 1899.pdf/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lant de la pointe aiguisée. Je l’ai vu bander doucement ses arcs meurtriers et, appuyé sur le genou, tantôt en serrer les bouts recourbés, tantôt en agiter avec le pouce les cordes fatales. Où fuir ? Que faire ? puisque ni les mers profondes, ni les Alpes, ni de longues absences n’ont rien pu. Déjà des jours plus calmes se lèvent, et je demande la paix à mon ennemi armé du carquois. Il refuse, recommence la guerre et, ô prodige ! voici qu’en tous lieux et à toute heure mon ennemi ailé apparaît menaçant. J’avoue que je tremble qu’il ne rouvre mon ancienne blessure par une nouvelle flèche. Mille circonstances le favorisent. Le seul aspect des lieux conspire avec lui, tant le zéphir jaseur lutte avec le chant des oiseaux, tant les couleurs charmantes se marient aux odeurs agréables ; les fleurs rivalisent avec le feuillage, la verdure avec les fleurs ; les lys le disputent aux narcisses et les roses aux violettes. Que dirai-je des sièges moelleux sur le vert gazon des rives ? des doux et légers sommeils sur le gazon ? du bruit de l’eau courante et de ses détours sonores ? Que dirai-je des vers mélodieux que pendant la nuit sereine, à l’aurore ou au crépuscule, une belle nymphe chantait d’une voix angélique sur la rive opposée ? Cette nymphe tou-