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mœurs et les actions du vulgaire. Vois maintenant quel contre-sens ! Tu es charmé des propos de ceux dont tu condamnes les actes, et plût à Dieu que tu en fusses seulement charmé et que tu ne misses pas en eux ton bonheur suprême ! Pourquoi, en effet, ce travail perpétuel, ces veilles incessantes et cette violente passion de l’étude ? Tu me répondras peut-être : afin d’apprendre ce qui sert à bien vivre. Mais tu as appris depuis longtemps ce qui est nécessaire pour vivre et pour mourir. Il fallait donc essayer de le mettre en pratique au lieu de t’enfoncer dans une étude laborieuse où l’on rencontre toujours de nouveaux secrets, des mystères insondables et où les recherches n’ont pas de fin. Ajoute que tu as mis tous tes soins à satisfaire le public, t’ingéniant à plaire à ceux-là mêmes qui te déplaisaient le plus, et cueillant les fleurs de la poésie, de l’histoire, en un mot de toute l’éloquence pour chatouiller l’oreille des auditeurs.

Pétrarque. Excusez-moi, je vous prie ; je ne puis entendre cela sans mot dire. Jamais, depuis que je suis sorti de l’enfance, je n’ai pris goût aux fleurs des sciences, car j’ai noté beaucoup de mots spirituels de Cicéron contre les plagiaires, et surtout ce passage de Sénèque : Il est honteux pour un homme de courir après les fleurs, de s’appuyer sur des dictons connus et de se soutenir, par sa mémoire[1].

  1. Lettres, XXXIII.