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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/162

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poids les emporterait ; ils ne seront pas formés du feu, car ils seraient enlevés hors de leur sphère par la force de la chaleur : il faut donc combiner une nature intermédiaire, comme le lieu où elle se trouve, afin que la constitution des habitants soit en harmonie avec la région qu’ils occupent. Formons par la pensée, créons une espèce d’animaux ainsi faits qu’ils ne soient ni aussi lourds que ceux de la terre, ni aussi légers que ceux de l’éther ; qui diffèrent des uns et des autres par quelques propriétés, ou qui tiennent de tous les deux, soit qu’on admette ou qu’on écarte la participation des deux natures ; remarquons toutefois que la formation qui admet le mélange est plus intelligible que celle qui l’exclut. Ainsi donc le corps de ces démons aura quelque pesanteur pour qu’ils ne soient pas enlevés aux régions supérieures, et quelque légèreté pour qu’ils ne soient pas précipités en bas.

Chapitre 10

D’abord, pour que vous ne m’accusiez pas de vous présenter des créations incroyables, comme font les poètes, je vais vous donner un exemple de cet équilibre : les nuées ont dans leur formation quelques rapports avec les corps dont je vous parle : si elles étaient aussi légères que les choses qui manquent de pesanteur, jamais elles ne s’abaisseraient, ainsi que nous l’avons souvent remarqué, au-dessous du sommet des montagnes qu’elles semblent couronner. Et si, d’autre part, elles étaient tellement lourdes, tellement denses, qu’aucun principe léger ne les soulevât, elles tomberaient de leur propre poids, comme une masse de plomb ou comme une pierre, et viendraient se briser contre la terre. Mais elles sont suspendues et mobiles, elles courent çà et là dans l’océan des airs, comme un vaisseau gouverné par les vents ; elles changent de forme, selon qu’elles s’éloignent ou se rapprochent de la terre : lorsqu’elles sont grosses des eaux célestes, elles s’abaissent comme pour enfanter ; et plus leur fardeau est pesant, plus elles descendent, noires et menaçantes, et plus lente est leur marche : au contraire, lorsqu’elles sont moins chargées, elles s’élèvent dans l’espace plus rapides et plus transparentes, et s’enfuient pareilles aux toisons d’une laine légère. N’entendez-vous pas les admirables vers de Lucrèce sur le tonnerre : « Quand le tonnerre ébranle le sommet des cieux, c’est que les nuages aériens s’élancent dans les airs, et s’entrechoquent, poussés par des vents qui se combattent. »

Chapitre 11

Si donc les nuées qui se forment entièrement de la terre, et qui y retombent ensuite, s’élèvent en haut, que pensez-vous des corps de ces démons dont la combinaison est bien plus subtile ? Ils ne sont point, comme elles, formés de ces vapeurs épaisses, de ces brouillards impurs, mais bien de l’élément le plus pur, de la sérénité même de l’air : c’est à cause de cela qu’ils n’apparaissent pas facilement aux mortels ; et s’ils deviennent visibles, c’est par la volonté des dieux. Car ils n’ont point cette solidité terrestre qui intercepte la lumière, qui retient le regard et qui concentre nécessairement la vue ; mais les tissus de leur corps sont rares, brillants, et déliés ; de sorte que leur éclat échappe à notre œil, éblouit et trompe nos regards. Il faut mettre dans cette catégorie la Minerve