Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/163

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d’Homère, lorsqu’elle vient au milieu des Grecs pour apaiser Achille.

Οϊψ φαινομένη, τών άλλων οϋτες όρατο,

Essayons un peu de traduire ce vers… m’y voici : Minerve donc, disions-nous, vient, par l’ordre de Junon, pour modérer Achille :

Visible pour lui seul, nul autre ne la voit.

Il faut y mettre aussi la Juturne de Virgile, quand elle s’avance au milieu des rangs de l’armée pour secourir son frère :

Et, mêlée aux soldats, elle reste invisible.

Elle n’est pas comme ce soldat de Plaute, qui se vante de son bouclier,

Dont l’éclat éblouit les yeux des ennemis.

Chapitre 12

Mais pour ne pas aller plus loin, c’est dans cette espèce de démons que les poètes, sans s’écarter beaucoup de la vérité, prennent ordinairement les dieux qu’ils supposent amis ou ennemis de certains hommes, appliqués à élever et à soutenir les uns, à persécuter et à affliger les autres ; de sorte qu’ils éprouvent toutes les passions humaines, la compassion, la haine, la joie, la douleur ; et, comme nous, ils sont agités par les mouvements du cœur et les pensées tumultueuses de l’esprit. Mais les dieux suprêmes vivent tranquilles, étrangers à tous ces troubles, à toutes ces tempêtes : ces habitants du ciel jouissent d’une égalité d’âme et d’un calme éternels : pour eux point de douleur, point de volupté qui les transportent hors d’eux-mêmes ; point de changements subits, point de violence étrangère, car rien n’est plus puissant qu’un dieu ; point de changement spontané, car rien n’est plus parfait qu’un dieu. Comment croire que celui-là soit parfait, qui passe de son premier état à un état plus régulier ? nul ne change, s’il ne se repent de sa première position ; et changer, c’est condamner l’état qui a précédé. Ainsi donc un dieu ne doit ressentir aucune affection temporelle, ni l’amour, ni la haine : il est inaccessible à la colère, à la pitié, aux angoisses de la douleur, aux transports du plaisir : pour lui pas de passions, pas de tristesse, pas de joie, pas de volontés subites ou contradictoires.

Chapitre 13

Tous ces mouvements et beaucoup d’autres conviennent à la nature moyenne des démons, qui, par le lieu qu’ils habitent et par la nature de leur esprit, tiennent le milieu entre les dieux et les hommes, ayant l’immortalité des uns et les passions des autres. En effet, de même que nous ils éprouvent tout ce qui excite les âmes ou qui les adoucit : ils sont irrités par la colère, touchés par la pitié, séduits par les dons, apaisés par les prières, exaspérés par les injures, charmés par les honneurs : enfin, semblables aux hommes, ils sont soumis à la diversité des passions. On peut les définir ainsi : les démons sont des êtres animés, raisonnables et sensibles, dont le corps est aérien et la vie éternelle : de ces cinq attributs, les trois premiers leur sont communs avec les hommes, le quatrième leur est propre ; ils partagent le dernier avec les dieux immortels, dont ils ne diffèrent que par la sensibilité. Je les