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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/119

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servi hier sur la fin du repas ; les convives rassasiés le renvoyèrent sans y toucher ; c’était lui rendre sa liberté : aussi le voyez-vous reparaître aujourd’hui sur la table avec les attributs d’un affranchi. — Honteux de mon ignorance, je bornai là mes questions, dans la crainte de passer pour un homme qui n’avait jamais mangé en bonne compagnie. Pendant cet entretien, un jeune esclave d’une grande beauté, couronné de pampre et de lierre, faisait le tour de la table avec une corbeille de raisins qu’il présentait aux convives. Se donnant tour à tour les noms de Bromius, de Lyæus et d’Evius, il chantait d’une voie aiguë des vers que son maître avait composés. À ces accents, Trimalchion se tournant vers lui : — Bacchus, lui dit-il, sois libre[1]. — L’esclave aussitôt décoiffe le sanglier de son bonnet, et le pose sur sa tête. — Alors Trimalchion ajouta : — Vous avouerez que, chez moi, Bacchus est le père de la liberté, puisque je viens de l’affranchir. — Nous applaudîmes à ce bon mot du patron, et chacun à la ronde couvrit de baisers le jeune esclave. Pressé de satisfaire un besoin secret, Trimalchion quitta la table. Son départ, en nous délivrant d’un tyran importun, ranima la conversation des convives. L’un d’entre eux, le premier, ayant demandé des raisins à Bacchus : — Qu’est-ce qu’un jour ? s’écria-t-il, un espace insensible : à peine a-t-on le temps de se retourner, que déjà la nuit vient. Ainsi donc rien de plus sage que de passer directement du lit à la table. On n’a pas encore eu le temps de se refroidir, et l’on n’a pas besoin d’un bain pour se réchauffer : toutefois, une boisson chaude est le meilleur des manteaux.