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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/120

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J’ai bu comme un Thrace, aussi je ne sais plus ce que je dis, et le vin m’a brouillé la cervelle.


CHAPITRE XLII.

Seleucus, l’interrompant, prit la parole en ces termes : — Ni moi non plus, je ne me baigne pas tous les jours ; c’est là un métier de foulon. L’eau a des dents invisibles qui rongent chaque jour notre corps et le minent insensiblement ; mais quand je me suis garni l’estomac d’une coupe de vin miellé, je me moque du froid. D’ailleurs, je n’ai pas pu me baigner aujourd’hui, car j’ai assisté à des funérailles, à celles d’un homme aimable[1], de cet excellent Chrysanthe, qui vient de rendre l’âme. Il m’appelait encore il n’y a qu’un instant ; il me semble qu’il est là et que je lui parle. Hélas ! hélas ! l’homme n’est qu’une outre enflée de vent ! c’est moins qu’une mouche : car cet insecte a du moins quelques propriétés ; mais nous, nous ne sommes que des bulles d’eau. Que dirait-on, si Chrysanthe n’eût pas observé un régime sévère ? Pendant cinq jours, il n’est pas entré dans sa bouche une goutte d’eau, pas une miette de pain, et cependant il s’en est allé ! Mais il a eu un trop grand nombre de médecins, ou, plutôt, il a succombé à son mauvais destin : car un médecin ne peut que soulager l’esprit[2]. Quoi qu’il en soit, il a été enterré, on peut le dire, avec les plus grands honneurs, sur son lit de festin, enveloppé de belles couvertures : il y avait un grand nombre de pleureuses à son convoi. Il a affranchi quelques esclaves ; eh bien,