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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/121

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son épouse a fait à peine semblant de verser quelques larmes. Qu’aurait-elle fait, s’il ne l’avait pas si bien traitée ? Mais les femmes ! qu’est-ce que les femmes ? elles sont de la nature du milan : leur faire le moindre bien, c’est comme si l’on le jetait dans un puits. Un vieil attachement devient pour elles une prison insupportable.


CHAPITRE XLIII.

Il y eut alors un certain Philéros qui s’écria : — Ne pensons qu’aux vivants ! Chrysanthe a eu le sort qu’il méritait : il a vécu honorablement, on l’a traité honorablement après sa mort : qu’a-t-il à se plaindre ? Il n’avait pas un sou à son début, et il eût ramassé avec ses dents une obole dans un tas de fumier : aussi, s’est-il arrondi peu à peu, et s’est accru comme un rayon de miel. Je crois, sur ma foi ! qu’il laisse cent mille sesterces, et le tout en argent comptant. Cependant je vous dirai toute la vérité sur son compte, car je suis la franchise même[1]. Il avait la parole dure ; il était grand bavard, et c’était la discorde en personne[2]. Son frère était un homme de cœur, tout à ses amis ; sa main était libérale, et sa table ouverte à tout le monde. À son début, il n’était pas bien solide sur ses jambes ; mais il prit un maintien plus ferme à la première vendange : il vendit son vin au prix qu’il voulut ; et, ce qui le fit surtout marcher la tête haute, c’est qu’il fit un héritage dont il sut s’approprier une part plus considérable que celle qui lui avait été laissée. Alors Chrysanthe, furieux