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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/122

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contre son frère, n’a-t-il pas fait la sottise de léguer son patrimoine à je ne sais quel intrigant, venu je ne sais d’où ! Fuir ses parents, c’est s’expatrier soi-même ; mais aussi il écoutait ses affranchis comme des oracles : ce sont eux qui l’ont engagé dans cette mauvaise voie. On ne peut rien faire de raisonnable quand on se laisse trop facilement persuader, surtout un homme qui est dans le commerce : toutefois, il est vrai de dire qu’il a fait de grands gains pendant sa vie, car il a reçu ce qui ne lui était pas même destiné. Ce fut un vrai fils de la fortune. Dans ses mains le plomb se changeait en or ; mais rien n’est difficile aux personnes à qui tout vient à souhait. À quel âge croyez-vous qu’il soit mort ? à soixante-dix ans et plus. Mais il avait une santé de fer, et portait son âge à merveille : il avait le poil noir comme un corbeau. Je l’avais connu autrefois fort débauché ; et vieux, c’était encore un fier gaillard ; il ne respectait ni l’âge, ni le sexe ; tout lui était bon, fût-ce un chien coiffé. Qui pourrait l’en blâmer ? Le plaisir d’avoir joui, c’est tout ce qu’il emporte avec lui dans la tombe.


CHAPITRE XLIV.

Ainsi parla Philéros ; Ganymède reprit en ces mots : — Tous ces vains propos n’intéressent ni le ciel ni la terre ; et personne de vous ne songe à la famine qui nous menace. Je vous jure que, de toute la journée, je n’ai pu trouver à me procurer une bouchée de pain. Quelle en est la cause ? la sécheresse qui