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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/124

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ne sont pas gros comme l’œil d’un bœuf. Hélas ! hélas ! tout va de mal en pire dans ce pays ; tout y croît comme la queue d’un veau, en rétrécissant. Peut-on s’en étonner ? Nous avons pour édile un homme de néant qui donnerait notre vie pour une obole. Aussi fait-il bombance chez lui, et reçoit-il plus d’argent en un jour qu’un autre n’en possède pour tout son patrimoine. Je pourrais citer telle affaire qui lui a valu mille deniers d’or. Oh ! si nous avions un peu de sang dans les veines, il ne nous mènerait pas de la sorte ! Mais tel est le peuple aujourd’hui : brave comme un lion au logis, timide, au dehors, comme un renard. Quant à moi, j’ai déjà mangé le prix de mes habits ; et, si la disette continue, je serai forcé, pour vivre, de vendre ma pauvre bicoque. Que devenir en effet, si ni les dieux ni les hommes ne prennent pitié de cette colonie ? Le ciel me soit en aide ! je crois que tout cela arrive par la volonté des immortels ; car, de nos jours, personne ne pense qu’il y ait un dieu au ciel : plus de jeûnes ; on estime Jupiter moins que rien ; mais tous, les yeux tournés vers la terre, ne songent qu’à compter leur or. Autrefois, les femmes, pieds nus, les cheveux épars, le front voilé, et surtout l’âme pure, allaient, sur les coteaux, implorer Jupiter Pluvieux. Aussitôt la pluie tombait par torrents[3], et tout le monde se livrait à la joie. Mais maintenant il n’en est pas ainsi : oubliés dans leurs temples, les dieux ont toujours les pieds enveloppés de laine comme des souris ; aussi, pour prix de notre impiété, nos champs restent stériles.


CHAPITRE XLV.

Parle mieux, je te prie, dit Échion, homme de pauvre