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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/125

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apparence[1] : tout n’est qu’heur et malheur, comme disait ce paysan qui avait perdu un cochon bigarré : ce qui n’arrive pas aujourd’hui arrivera demain ; ainsi va le monde. Certes, il n’y aurait pas de meilleur pays que le nôtre, s’il était habité par d’honnêtes gens ; il souffre en ce moment, mais il n’est pas le seul. Il ne faut pas nous montrer si difficiles : le soleil luit pour tout le monde. Si tu étais ailleurs, tu dirais qu’ici les cochons se promènent tout rôtis. N’allons-nous pas avoir, dans trois jours, un spectacle magnifique ? un combat, non pas de simples gladiateurs, mais où l’on verra figurer un grand nombre d’affranchis[2] ! Titus, mon maître, est un homme magnanime ; il a la tête chaude, et vous verrez quelque chose d’extraordinaire d’une manière ou de l’autre : je le connais mieux que personne, moi qui suis de sa maison. Ce ne sera pas un combat pour rire[3] ; mais il donnera aux combattants du fer bien trempé ; ils n’auront pas la faculté de fuir, et les spectateurs verront un véritable carnage au milieu de l’arène. Il a de quoi fournir à de pareilles dépenses : son père, en mourant, lui a laissé plus de trente millions de sesterces. Quand bien même il en dépenserait quatre cent mille mal à propos, sa fortune n’en souffrira pas, et il se fera une réputation impérissable de générosité. Il a déjà quelques petits chevaux barbes et une conductrice de chars à la gauloise[4] ; il a pris à son service le trésorier de Glycon qui s’est laissé surprendre dans les bras de sa maîtresse[5]. Vous rirez bien de voir le peuple prendre parti dans cette affaire, les uns pour le mari jaloux,