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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/126

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les autres pour l’amant favorisé. Quant à Glycon, qui ne vaut pas un sesterce, il a fait jeter aux bêtes son trésorier[6]. C’est se livrer au ridicule. En quoi cet esclave est-il coupable ? il a dû obéir aux volontés de sa maîtresse. C’était plutôt cette femme impudique qui méritait d’être mise en pièces par les taureaux[7] ; mais quand on ne peut frapper l’âne, on frappe le bât. Comment, d’ailleurs, Glycon pouvait-il espérer que la fille d’Hermogène fît jamais une bonne fin ? cela était aussi impossible que de couper les ongles d’un milan au plus haut de son vol ; tel père, tel fils, dit le proverbe[8]. Glycon ! Glycon ! tu as tendu la joue ; aussi, tant que tu vivras, on y verra une tache que la mort seule peut effacer : du reste, les fautes sont personnelles. Je flaire d’avance le festin que Mammea doit nous donner ; il y aura, j’espère, deux deniers d’or pour moi et pour les miens. Si Mammea nous fait cette générosité, puisse-t-il supplanter entièrement Norbanus dans la faveur publique ! Vous le verrez, j’en suis certain, voler à pleines voiles vers la fortune. Et, de bonne foi, quel bien nous a fait ce Norbanus ? Il nous a offert en spectacle de misérables gladiateurs loués à vil prix, et déjà si vieux, si décrépits, qu’un souffle les eût renversés. J’ai vu des athlètes plus redoutables périr en combattant contre les bêtes, à la clarté des flambeaux : ici l’on semblait assister à un combat de coqs. L’un était si lourd, qu’il ne pouvait se traîner ; l’autre avait les pieds tortus ; un troisième[9], qui remplaça celui qui venait de périr, était lui-même à moitié mort, car il avait déjà les nerfs coupés. Il n’y en eut qu’un seul, Thrace de nation, qui fit assez bonne contenance ; encore ce gladiateur novice semblait-il répéter la leçon de son maître. À la fin, ils se firent tous quelque blessure[10] pour terminer