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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/129

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qui coulaient de son front, il se lava les mains, et, l’instant d’après : — Excusez-moi, dit-il, mes amis ; depuis plusieurs jours mon ventre ne fait pas bien ses fonctions, et les médecins n’y connaissent rien. Cependant j’ai reçu quelque soulagement d’une infusion d’écorce de grenade et de sapin dans du vinaigre. J’espère toutefois que l’orage qui grondait dans mes entrailles va se calmer ; autrement mon estomac retentirait d’un bruit semblable aux mugissements d’un taureau. Au reste, si quelqu’un de vous éprouve un pareil besoin, il aurait tort de se gêner : personne de nous n’est exempt de cette infirmité. Pour moi, je ne crois pas qu’il y ait un plus grand tourment que celui de se contraindre en pareil cas. Jupiter lui-même nous ordonnerait en vain cet effort. Vous riez, Fortunata ! vous, dont les bruyantes détonations m’empêchent toutes les nuits de fermer l’œil. Jamais je n’ai empêché mes convives de prendre à table toutes les libertés qui pouvaient les soulager. Les médecins défendent aussi de se retenir ; et si l’un de vous se sentait pressé par un besoin plus urgent, il trouvera dehors de l’eau, une chaise, enfin une garde-robe complète. Croyez-m’en, lorsque les flatuosités de l’estomac remontent au cerveau, tout le corps s’en ressent. J’ai vu plusieurs personnes mourir ainsi, faute de parler, par une fausse modestie. — Nous remerciâmes notre amphitryon de sa générosité et de son indulgence extrêmes ; et, pour ne pas étouffer de rire, nous eûmes recours à de fréquentes rasades. Mais, hélas ! nous ne savions pas que nous n’étions encore parvenus qu’à la moitié de ce splendide et interminable festin. En effet, lorsque l’on eut desservi les tables au son des instruments, nous