Aller au contenu

Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et de soutenir une cruche avec ses dents. Trimalchion seul admirait ces tours de force, en regrettant qu’un si bel art fût si mal récompensé. — Il n’y a, dans la vie, disait-il, que deux sortes de spectacles que j’aie plaisir à voir : les voltigeurs et les combats de cailles ; quant à tous les autres animaux et bouffons, ce sont de véritables attrape-nigauds. — J’ai fait une fois la folie d’acheter une troupe de comédiens ; mais j’ai voulu qu’ils se bornassent à représenter des farces atellanes, et j’ai donné l’ordre à mon chef d’orchestre de ne jouer que des airs latins.


CHAPITRE LIV.

Au moment où Trimalchion débitait ces niaiseries, l’enfant du baladin tomba sur lui. Aussitôt toute la valetaille de jeter de grands cris, et les convives de l’imiter, non qu’ils fussent touchés de la souffrance d’un être aussi dégoûtant, car chacun d’eux eût été ravi de lui voir rompre le cou ; mais ils craignaient que le festin ne finît tristement, et qu’ils ne fussent obligés de pleurer aux funérailles d’un étranger[1]. Cependant Trimalchion poussait de longs gémissements, et se penchait sur son bras, comme s’il y eût reçu une blessure grave. Les médecins accoururent ; mais la plus empressée était Fortunata, qui, les cheveux épars et une potion à la main, s’écriait qu’elle était la plus misérable, la plus infortunée des femmes. Quant à l’enfant dont la chute avait causé cet accident, il se traînait à nos genoux en implorant son pardon : loin d’être ému de ses prières, je craignais seulement que ce ne fût encore une comédie dont le dénouement amènerait quelque pé-