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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/141

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CHAPITRE LVI.

Quel est, selon vous, ajouta-t-il, le métier le plus difficile de tous, après celui des lettres ? Pour moi, je pense que c’est la médecine et la banque : en effet, le médecin sait ce que l’homme a dans ses entrailles, et quand la fièvre doit se déclarer ; ce qui ne m’empêche pas de haïr ces docteurs qui me prescrivent trop souvent le bouillon de canard : le banquier, à travers l’argent, sait découvrir l’alliage du cuivre. Il y a deux espèces d’animaux muets très laborieux, le bœuf et la brebis : le bœuf, à qui nous sommes redevables du pain que nous mangeons ; la brebis, dont la laine nous donne ces habits dont nous sommes si fiers. Et cependant, ô comble de l’ingratitude ! l’homme n’hésite pas à manger la brebis, oubliant qu’il lui doit sa tunique. Je pense aussi qu’elles ont un instinct divin, ces abeilles qui élaborent le miel, bien qu’on prétende qu’elles le reçoivent de Jupiter. Mais aussi font-elles de violentes piqûres : ce qui prouve que la plus grande douceur est toujours accompagnée de quelque amertume. — Déjà Trimalchion tranchait du philosophe, lorsque l’on fit circuler autour de la table un vase qui contenait des billets de loterie. Un esclave, chargé de cet emploi, lisait à haute voix les lots qui étaient échus à chacun des convives[1] : Argent, cause de tous les crimes[2] ! on apporta un jambon sur lequel il y avait un huilier ; Cravate ! on apporta une corde de potence ; Absinthe et Affronts ! on apporta des fraises sauvages, un croc et une