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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/148

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grand bruit[1], que toute la salle du festin en trembla. Épouvanté, je me levai, dans la crainte que quelque danseur de corde ne tombât sur moi du plafond : les autres convives, non moins surpris, levèrent les yeux en l’air, pour voir quelle nouvelle apparition leur venait du ciel. Soudain, le lambris s’entr’ouvre, et un vaste cercle, se détachant de la coupole, descend sur nos têtes, et nous offre, dans son contour, des couronnes d’or, et des vases d’albâtre remplis de parfums[2]. Invités à accepter ces présents, nous jetons les yeux sur la table, et nous la voyons couverte, comme par enchantement, d’un plateau garni de gâteaux : une figure de Priape, en pâtisserie[3], en occupait le centre ; selon l’usage, il portait une grande corbeille pleine de raisins et de fruits de toute espèce. Déjà nous étendions une main avide vers ce splendide dessert, quand un nouveau divertissement vint ranimer notre gaieté languissante : au plus léger toucher, de tous ces gâteaux, de tous ces fruits jaillissaient des flots de safran[4] qui, nous sautant au visage, nous inondaient d’une liqueur incommode. Persuadés que ce Priape avait quelque chose de sacré, nous fîmes dévotement les libations d’usage, et, nous levant sur notre séant, nous criâmes : Le ciel protège l’empereur, père de la patrie ! Après cet acte de religion, voyant quelques-uns des convives faire main basse sur les fruits, nous suivîmes leur exemple, moi surtout qui pensais ne pouvoir jamais en donner assez à mon cher Giton. Sur ces entrefaites, trois esclaves, vêtus de tuniques blanches, entrèrent dans la salle : deux d’entre eux posèrent sur la table des dieux Lares, qui avaient des bulles d’or suspen-