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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/151

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dépouiller de tous ses habits, qu’il déposa sur le bord de la route. Alors, la mort sur les lèvres, je restai immobile comme un cadavre. Mais jugez de mon effroi, quand je le vis pisser tout autour de ses habits, et, au même instant, se transformer en loup. Ne croyez pas que je plaisante ; je ne mentirais pas pour tout l’or du monde. Mais où donc en suis-je de mon récit ? m’y voici. Lorsqu’il fut loup, il se mit à hurler, et s’enfuit dans les bois. D’abord, je ne savais où j’étais ; ensuite, je m’approchai de ses habits pour les emporter : ils étaient changés en pierres. Si jamais homme dut mourir de frayeur, c’était moi. Cependant, j’eus le courage de tirer mon épée, et j’en frappai l’air de toute ma force, pour écarter les malins esprits tout le long du chemin, jusqu’à la maison de ma maîtresse. Dès que j’en eus franchi le seuil, je faillis rendre l’âme : une sueur froide me coulait de tous les membres ; mes yeux étaient morts, et l’on eut toutes les peines du monde à me faire revenir. Ma chère Mélisse me témoigna son étonnement de me voir arriver à une heure si avancée : « Si vous étiez venu plus tôt, me dit-elle, vous nous auriez été d’un grand secours ; un loup a pénétré dans la bergerie, et a égorgé tous nos moutons : c’était une véritable boucherie. Mais, bien qu’il se soit échappé, il n’a pas eu à s’applaudir de son expédition ; car un de nos valets lui a passé sa lance à travers le cou. » À ce récit, je vous laisse à penser si j’ouvris de grands yeux ; et, comme le jour venait de paraître, je courus à toutes jambes vers notre maison, comme un marchand détroussé par des voleurs. Lorsque j’arrivai à l’endroit où j’avais laissé les vêtements changés en pierres, je n’y trouvai