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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/153

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à toute épreuve : il eût attaqué Jupiter, armé de sa foudre. Tirant donc son sabre d’un air résolu, et roulant avec soin son manteau autour de son bras gauche, il sort en courant de la maison, rencontre une de ces sorcières, et lui passe son épée au travers du corps, comme qui dirait ici (que les dieux préservent ce que je touche[4] !). Un gémissement frappa nos oreilles ; mais, pour ne pas mentir, nous ne vîmes pas les sorcières. En rentrant, notre brave se jeta sur un lit : tout son corps était couvert de taches livides, comme s’il eût été battu de verges ; c’est qu’il avait été touché par une mauvaise main. Nous fermons la porte, et nous reprenons auprès du défunt nos tristes fonctions ; mais, au moment où la mère se jetait sur le corps de son fils pour l’embrasser, ô surprise ! elle ne voit, elle ne touche qu’une espèce de mannequin rempli de paille, qui n’avait ni cœur ni entrailles, enfin rien d’humain. Sans doute les sorcières avaient emporté l’enfant, et lui avaient substitué ce vain simulacre. Dites-moi, je vous prie, si l’on peut, d’après cela, nier l’existence de ces femmes habiles dans les maléfices, qui, pendant la nuit, mettent tout sens dessus dessous. Cependant notre grand Cappadocien ne recouvra jamais sa couleur naturelle ; et même, à quelques jours de là, il mourut frénétique.


CHAPITRE LXIV.

Notre étonnement redouble avec notre crédulité ; et, baisant religieusement la table, nous conjurons les sorcières de rester