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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/154

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chez elles, et de ne pas nous troubler dans notre retour au logis. Déjà, tant j’étais ivre, je voyais se multiplier à l’infini le nombre des lumières, et toute la salle du festin changer d’aspect, lorsque Trimalchion dit à Plocrime : — En vérité, je ne te conçois pas, tu ne nous racontes rien ; tu ne dis rien pour nous amuser. Cependant, je t’ai connu un aimable convive ; tu chantais à ravir, tu nous déclamais des dialogues en vers ! hélas ! le charme de nos desserts s’en est allé. — Il est vrai, répondit Plocrime, que j’ai bien enrayé depuis que je suis devenu goutteux. Autrefois, quand j’étais jeune, je chantais jusqu’à m’en rendre poitrinaire ! Et la danse ! et les scènes de comédie ! et les tours de force ! je n’avais pas mon pareil pour tout cela, si ce n’est Apellète[1]. — À ces mots, mettant sa main sur sa bouche, il nous fit entendre un horrible sifflement, qu’il nous dit ensuite être une imitation des Grecs. Trimalchion, à son tour, après avoir essayé de contrefaire les joueurs de flûte, se tourna vers l’objet de ses amours, qu’il appelait Crésus. C’était un petit esclave chassieux, qui avait les dents toutes sales ; il s’amusait alors à envelopper d’un ruban vert une petite chienne noire, et grasse à faire peur. Ayant posé sur son lit un pain d’une demi-livre, il le faisait avaler, bon gré mal gré, à la pauvre bête. Cela fut cause que Trimalchion, se souvenant de Scylax, le gardien de sa maison et de sa famille, ordonna de l’amener. L’instant d’après, nous vîmes entrer un chien d’une taille énorme : il était enchaîné ; mais un coup de pied du portier l’avertit de se coucher, et il s’étendit devant la table. Trimalchion lui jeta du pain blanc en disant : — Il n’y a personne