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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/156

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cœur : car, au lieu de grives, on offrit à chacun de nous une poularde grasse, des œufs d’oie chaperonnés ; et Trimalchion nous pria avec beaucoup d’instances d’y goûter, assurant que les poulardes étaient désossées. Nous en étions là du festin, lorsqu’un licteur frappa à la porte, et un nouveau convive, vêtu d’une robe blanche, entra dans la salle, suivi d’un nombreux cortège. Saisi d’une crainte respectueuse à l’aspect de ce personnage, je crus que c’était le préteur. Dans cette pensée, j’allais me lever et descendre pieds nus sur le carreau[2]. Mais Agamemnon, riant de mon empressement : — Fou que vous êtes, me dit-il, ne vous dérangez pas ; ce n’est rien ; c’est le sévir Habinnas, marbrier de son métier, et qui passe pour un habile ouvrier en fait de tombeaux. — Rassuré par ces paroles, je me remis les coudes sur la table, non sans toutefois admirer l’entrée majestueuse du sévir. Il était déjà entre deux vins, et, pour se soutenir, s’appuyait sur l’épaule de sa femme ; de son front, orné de plusieurs couronnes, coulaient des ruisseaux de parfums qui lui tombaient sur les yeux. Il se mit sans façon à la place d’honneur, et sur-le-champ demanda du vin et de l’eau chaude. Charmé de son bachique enjouement, Trimalchion demanda aussi une plus grande coupe, et s’informa d’Habinnas comment on l’avait traité dans la maison d’où il sortait. — Nous avons eu tout à souhait, répondit-il : il ne nous manquait que vous ; car mon cœur était ici. Du reste, je vous jure, tout s’est très bien passé. Scissa célébrait avec magnificence la neuvaine de Misellus[3], un de ses esclaves, qu’il n’avait affranchi qu’à l’article de la mort[4] : outre l’impôt du vingtième qu’il y