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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/173

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CHAPITRE LXXV.

Lorsqu’il eut ainsi fulminé contre sa femme, Habinnas le conjura de se calmer. — Personne de nous, lui dit-il, n’est exempt de commettre des fautes ; nous ne sommes pas des dieux, mais des hommes. — Scintilla lui adressait en pleurant la même prière : — Au nom de votre génie tutélaire, mon cher Gaïus, lui disait-elle tendrement, laissez-vous fléchir ! — Trimalchion ne pouvant plus retenir ses larmes : — Habinnas, dit-il, par tous les vœux que je forme pour votre fortune, crachez-moi au visage, je vous en supplie, si j’ai tort dans cette affaire ! J’ai embrassé, il est vrai, cet excellent jeune homme, mais ce n’est pas pour sa beauté, c’est pour ses bonnes qualités. Il sait les dix parties de l’oraison ; il lit à livre ouvert. Avec ce qu’il épargne chaque jour sur sa nourriture, il a amassé de quoi payer sa liberté, et de ses économies il s’est acheté une armoire et deux coupes : n’est-il pas digne de mon affection ? Mais madame s’y oppose. C’est là ton dernier mot, pendarde ! Crois-moi, ronge en paix l’os que je te jette, oiseau de proie ; et ne me fais pas trop enrager, ma mignonne, ou je pourrais bien faire quelque coup de ma tête ! Tu me connais, quand j’ai une fois résolu quelque chose, cela tient comme un clou dans une poutre. Mais pensons plutôt à jouir de la vie. Allons, mes amis, vive la joie ! Je n’étais à mon début qu’un simple affranchi comme vous ; mon mérite seul m’a conduit où vous voyez. C’est le cœur qui fait