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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/180

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Ascylte, toujours fertile en inventions pour me nuire, enleva Giton d’entre mes bras engourdis par l’ivresse, et le porta dans son lit. Là, foulant aux pieds tous les droits humains, il usurpa sans scrupule des plaisirs qui n’étaient dus qu’à moi, et s’endormit sur le sein de Giton, qui ne sentit pas, ou peut-être feignit de ne pas sentir l’injure qu’Ascylte me faisait. À mon réveil, je cherchai vainement dans ma couche solitaire l’objet de mon amour : pour me venger des deux parjures, je fus tenté de leur passer mon épée au travers du corps, et de les envoyer du sommeil à la mort ; mais enfin, prenant le plus sage parti, je réveillai Giton à coups de houssine ; puis, jetant sur Ascylte un regard farouche : — Scélérat, lui dis-je, puisque, par un lâche attentat, tu as violé les lois de l’amitié, prends ce qui t’appartient, pars, et cesse de souiller ces lieux de ta présence. — Ascylte parut y consentir ; mais dès que nous eûmes partagé nos nippes de bonne foi : — Maintenant, dit-il, partageons aussi cet enfant.


CHAPITRE LXXX.

Je crus d’abord que c’était une plaisanterie, et qu’il allait partir ; mais lui, tirant son épée d’une main fratricide : — Tu ne jouiras pas seul, s’écria-t-il, de ce trésor que tu prétends t’approprier. Il faut que j’en aie aussi ma part, et ce glaive va sur-le-champ me la donner. — Je saute aussi sur mon épée, et, roulant mon manteau autour de mon bras[1], je me mets en