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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/184

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vigueur je fais un repas plus copieux que de coutume ; puis, prenant mon essor, je m’élance hors du logis, et, comme un furieux, je parcours à grands pas tous les portiques. Je marchais d’un air effaré, avec des gestes menaçants ; je ne respirais que sang, que carnage ; à chaque instant je portais la main à la garde de mon épée, de cette épée vouée aux furies vengeresses. Un soldat me remarqua ; j’ignore si c’était un vagabond ou un voleur de nuit : — Qui es-tu, camarade ? me dit-il ; quelle est ta légion, ta centurie ? — Moi, sans me troubler, je me forgeai sur-le-champ une légion et un centurion. — Allons donc, répondit-il, est-ce que dans votre troupe les soldats portent des souliers de baladin ?[1] — La rougeur de mon visage et le tremblement de tous mes membres trahirent bientôt mon imposture. — Bas les armes ! et prends garde à toi, me cria le soldat. — Me voyant ainsi désarmé et privé de tout moyen de vengeance, je rebroussai chemin vers mon auberge ; ma colère se calma peu à peu, et je ne tardai pas à savoir bon gré à ce coupe-jarret de son audace.


CHAPITRE LXXXIII.

Ce ne fut toutefois qu’avec peine que je triomphai du désir de me venger, et je passai une partie de la nuit dans une grande agitation. Vers le point du jour, pour chasser ma tristesse et le souvenir de mon injure, je sortis et je parcourus de nouveau tous les portiques. J’entrai dans une galerie ornée