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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/19

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Rien de plus beau que ce morceau de Tacite : pour en sentir tout le mérite, il faut le lire dans l’original. Mais peut-il s’appliquer à l’auteur du Satyricon ? Voilà le point à résoudre.

On peut dire en faveur de l’affirmative :

1° S’il est vrai que tout écrivain se peigne dans ses ouvrages, la ressemblance est parfaite entre le courtisan et l’auteur. L’un donne le jour au sommeil et la nuit aux plaisirs ; l’autre prête à ses acteurs cette maxime d’Aristippe : Vivamus, dum licet esse, bene. Le premier ne disserte point comme Socrate, à son dernier soupir, sur l’immortalité de l’âme ; mais il récite nonchalamment à ses amis quelques strophes d’Anacréon ou d’Horace, et, sur le bord même de la tombe, il semble jouer avec la mort ; le second nous peint de jeunes débauchés, calmes sur un navire battu par l’orage, raillant, au milieu d’une mer en courroux, la piété tardive des matelots, et s’écriant au sein d’une orgie :

La crainte a fait les dieux. . . . . .

Le favori disgracié adresse à Néron, pour dernier adieu, une diatribe sanglante où sont livrés à l’opprobre, et ce tyran sans pudeur, et ses infâmes complices ; or, dans les scènes symboliques du Satyricon, qui ne reconnaît les nuits du Sardanapale romain et le scandale de sa cour ?

2° Pline et Plutarque confirment ce qu’avance Tacite touchant le luxe délicat de Pétrone et la satire dont il flétrit en mourant les vices de Néron. Ils nous apprennent aussi qu’un moment avant d’expirer, Pétrone, pour dérober une coupe précieuse à l’avidité du tyran, la fit briser en sa présence.