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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/192

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surtout de la peinture qui a disparu jusqu’à la dernière trace. — L’amour des richesses, me répondit-il, a produit ce triste changement. Chez nos ancêtres, lorsque le mérite seul était en honneur, on voyait fleurir les beaux-arts, et les hommes se disputaient à l’envi la gloire de transmettre aux siècles suivants toutes les découvertes utiles. Alors on vit Démocrite, l’Hercule de la science, distiller le suc de toutes les plantes connues, et passer sa vie entière à faire des expériences pour connaître à fond les propriétés diverses des minéraux et des végétaux. Eudoxe vieillit sur le sommet d’une haute montagne pour observer de plus près les mouvements du ciel et des astres ; et Chrysippe prit trois fois de l’ellébore[1] pour purifier son esprit et le rendre plus apte à de nouvelles découvertes. Mais, pour en revenir à l’art plastique, Lysippe[2] mourut de faim, en se bornant à perfectionner les contours d’une seule statue ; et Myron, qui fit, pour ainsi dire, passer dans le bronze l’âme humaine et l’instinct des animaux, ne trouva personne qui voulût accepter son héritage. Pour nous, plongés dans la débauche et l’ivrognerie, nous n’osons pas même nous élever à la connaissance des arts inventés avant nous ; superbes détracteurs de l’antiquité, nous ne professons que la science du vice dont nous offrons à la fois l’exemple et le précepte. Qu’est devenue la dialectique ? l’astronomie ? la morale, cette route certaine de la sagesse ? Qui voit-on aujourd’hui entrer dans un temple, et invoquer les dieux pour atteindre à la perfection de l’éloquence, ou pour découvrir les sources cachées de la phi-