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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/194

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De leurs débris formé, terrible, menaçant,
Un cheval monstrueux s’élève ; et dans son flanc
Mille guerriers cachés contre dix ans d’offense
Méditent sans honneur une lâche vengeance.
D’Atride cependant la flotte a disparu.
Ilion ! à la paix tu crus ton sol rendu.
Fatal aveuglement ! ces voiles fugitives,
Un perfide à dessein rejeté sur tes rives,
Ce coursier que des Grecs le repentir pieux,
Pour les calmer, dit-il, offre enfin à tes dieux :
Tout flattait ta pensée ; et l’heureuse Phrygie
Ressaisit en espoir le sceptre de l’Asie.
Déjà de ses remparts le peuple, à flots pressés,
S’élance ; humide encor des pleurs qu’il a versés,
Son œil sur chaque objet librement se promène :
Il sourit, mais son cœur se rassure avec peine ;
Et dans ce camp désert, si longtemps redouté,
Un reste de frayeur se mêle à sa gaieté.
Laocoon paraît. Pontife de Neptune,
Vers ce cheval hideux dont l’aspect l’importune,
Il marche, tourmenté d’un noir pressentiment.
Ses cheveux sur son sein descendent tristement,
Et la cendre a souillé sa barbe vénérable.
« Fuyez, fuyez ! dit-il d’une voix lamentable,
Ce présent vient des Grecs, c’est le don de la mort ! »
À ces mots, de sa main, qu’anime un noble effort,