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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/196

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Leurs sifflements aigus font trembler le rivage.
Tout tremble. Cependant, sur cette même plage,
Deux frères, fruits jumeaux d’un hymen plein d’appas,
Du pontife, leur père, avaient suivi les pas :
Revêtus comme lui de la robe sacrée,
Du bandeau phrygien leur tête était parée.
Mais les monstres déjà, sur leur proie élancés,
D’inextricables nœuds les tiennent enlacés.
Les enfants vainement, de leurs mains impuissantes,
Repoussent des serpents les têtes menaçantes ;
Et tous deux, s’oubliant en ce combat cruel,
Se prêtent l’un à l’autre un secours mutuel :
Ils succombent tous deux. Et toi, malheureux père !
Toi qui vois déchirer, par la dent meurtrière,
Le corps de ces enfants qui te doivent le jour,
Pour les sauver, hélas ! tu n’as que ton amour.
Mais que peut ton courage et l’ardeur qui t’anime ?
Le pontife, à son tour, remplaçant la victime,
Tombe, et, roulant aux pieds des autels profanés,
Vers les murs d’Ilion, des dieux abandonnés,
Il tourne en gémissant sa mourante paupière.
Phébé venait d’atteindre au haut de sa carrière,
Et son char, dans les cieux, s’avançait escorté
Des astres moins brillants qu’éclipsait sa clarté.
Dans le sommeil profond que procure l’ivresse,
Les Troyens oubliaient leurs dangers et la Grèce.