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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/199

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ce pas déjà, pour le malheureux Giton, un supplice assez cruel que d’avoir perdu votre affection ? — Je lui ordonne de cesser ses plaintes, de peur d’attirer l’attention des curieux ; puis, laissant Eumolpe dans le bain où il déclamait déjà un de ses poëmes, j’entraîne Giton hors de ces lieux par une obscure et fétide issue ; et nous fuyons à toutes jambes vers mon auberge. Là, fermant la porte sur nous, je me précipite dans ses bras, et, par d’ardents baisers, je sèche les pleurs dont ses joues sont inondées. Nous restâmes longtemps sans pouvoir proférer une seule parole : car cet aimable enfant se brisait la poitrine à force de sanglots. — Quelle honte pour moi, lui disais-je, de t’aimer encore après ton lâche abandon ! je cherche en vain dans mon cœur la profonde blessure que tu y as faite, et je n’en trouve plus même la cicatrice. Comment te justifier de m’avoir ainsi quitté pour voler à de nouvelles amours ? avais-je mérité un tel affront ? — Giton, voyant que je l’aimais encore, prit une contenance plus hardie. — Cependant, poursuivis-je, je n’ai point cherché d’autre arbitre que toi pour juger qui, d’Ascylte ou de moi, méritait le mieux ton amour ; mais je supprime de justes plaintes, j’oublie tout, pourvu que ton repentir soit sincère. — En prononçant ces mots, je gémissais et je versais un torrent de larmes. Giton, m’essuyant le visage avec son manteau, me dit : — Soyez juste, mon cher Encolpe ; j’en appelle à votre mémoire. Est-ce moi qui vous ai abandonné ? et ne vous êtes-vous pas trahi vous-même ? je l’avouerai franchement et sans détour, quand je vous vis tous deux les armes à la main, je me rangeai du côté du plus fort. — À ces mots, je me jetai à son cou, et je