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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/202

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une effrayante avidité. Lorsqu’il fut enfin rassasié, il se prit à moraliser, et se répandit en invectives contre ces hommes qui dédaignent tout ce qui est d’un usage commun et vulgaire, et n’estiment que ce qui est rare.


CHAPITRE XCIII.

Par une dépravation vraiment déplorable, dit-il, on méprise les jouissances faciles, et on se passionne avec entêtement pour celles qui nous semblent interdites :

Je ne veux point d’une facile gloire :
L’obstacle ajoute un lustre à la victoire.
Aux bords du Phase habite le faisan :
Voilà son prix. La poule numidique
A vu le jour dans les sables d’Afrique :
Pour un gourmet, c’est un morceau friand.
Pauvre canard, ta chair est fine et molle ;
Fidèle oison, des fureurs du Gaulois
Ton cri jadis sauva le Capitole ;
Mais humblement vous croissez sous nos toits :
Vous n’êtes bons qu’à nourrir des bourgeois.
Du bout du monde, où le sort l’a fait naître[1],
La sargue accourt ; on l’achète à grands frais ;
Et le barbeau, de la table du maître,
Ne fait qu’un saut à celle des valets.
La rareté fait le prix de la chose :
Le cinnamome, enfant d’un sol lointain,
Fait oublier les parfums d’une rose[3] ;
Et pour l’amour on néglige l’hymen[2].