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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/203

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— Est-ce ainsi, dis-je à Eumolpe, que vous tenez votre promesse de faire, pour aujourd’hui, trêve à la poésie ? De grâce, épargnez nos oreilles, à nous qui ne vous avons jamais lapidé. Car, si quelqu’un de ceux qui boivent près de nous, dans cette auberge venait à flairer un poëte, il mettrait tout le voisinage en rumeur ; et, nous prenant pour vos complices en Apollon, on nous assommerait tous trois en même temps. Cessez, par pitié, et rappelez-vous ce qui vient de vous arriver aux bains et sous le portique. — Giton, dont le caractère était naturellement doux et compatissant, me gronda de parler de la sorte. — Ce n’est pas bien, me dit-il, d’injurier un homme plus âgé que vous. Outrager ainsi celui que vous avez invité à votre table, c’est manquer aux lois de l’hospitalité, c’est perdre tout le fruit de votre politesse. À cette remontrance il ajouta des discours pleins de modération et de décence, qui avaient une grâce toute particulière dans la bouche de ce bel enfant.


CHAPITRE XCIV.

Trois fois heureuse, dit Eumolpe, la mère qui t’a mis au monde ! Courage, mon garçon ! persévère dans ces bons sentiments ; offre toujours le rare assemblage de la sagesse et de la beauté[1]. Ce n’est pas en vain que tu as pris ma défense : tu as gagné mon cœur ; je t’aime ; et je veux désormais consacrer ma muse à chanter tes louanges. Je veux être ton précepteur, ton gardien ; je te suivrai partout, bon gré, mal gré : Encolpe n’en peut prendre ombrage, car je sais qu’il aime ailleurs. —