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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/205

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chez Ascylte, j’ai vainement cherché une épée ; mais j’avais résolu, si je ne parvenais pas à vous rejoindre, de trouver la mort au fond d’un précipice : et, pour vous prouver que la mort ne se fait jamais attendre au malheureux qui la cherche, jouissez, à votre tour, du spectacle que vous me destiniez tout à l’heure. — A ces mots, il arrache un rasoir des mains du valet d’Eumolpe[3], en passe deux fois le tranchant sur sa gorge, et tombe à nos pieds. Saisi d’épouvante, je jette de grands cris, et je me précipite sur le corps de Giton : armé du même rasoir, je veux moi-même mourir avec lui. Mais l’espiègle ne s’était pas fait la moindre égratignure, et, comme lui, je ne sentais aucune douleur. C’était, en effet, un de ces rasoirs émoussés que l’on donne aux apprentis barbiers pour corriger leur maladresse, et pour leur faire la main. Aussi le valet, en voyant Giton le prendre dans sa trousse, n’avait pas témoigné le plus léger effroi, et Eumolpe avait considéré de sang-froid cette tragédie pour rire.


CHAPITRE XCV.

Au dénoûment de cette farce, où Giton et moi nous jouions les rôles d’amoureux, survint le maître de l’auberge qui nous apportait le second service ; nous voyant ainsi étendus par terre dans le plus grand désordre : — Qui êtes-vous ? s’écria-t-il ; des ivrognes ou des vagabonds ?… peut-être l’un et l’autre ? Qui de vous a dressé ce lit contre le mur ? quel secret