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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/206

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dessein avez-vous machiné ? Je crois, ma foi, que vous vouliez déloger cette nuit sans payer le loyer de votre chambre ; il n’en sera rien. Je vous ferai voir que cette maison isolée n’appartient pas à quelque pauvre veuve sans appui[1], mais à Marcus Manicius. — Tu oses nous menacer ! s’écrie Eumolpe. — Et en même temps il détache à l’aubergiste un vigoureux soufflet ; mais celui-ci, échauffé par les nombreuses libations qu’il avait faites avec ses hôtes, lance à la tête d’Eumolpe une cruche de terre qui lui meurtrit le front[3], puis s’enfuit à toutes jambes. Notre poëte, furieux d’un tel outrage, se saisit d’un grand chandelier de bois, poursuit le fuyard, et, l’en frappant à tour de bras, lui rend avec usure le coup qu’il a reçu au front. Les valets de l’auberge et un grand nombre d’ivrognes accourent à ce bruit. Quant à moi, profitant de cette occasion pour me venger d’Eumolpe et rendre la pareille à ce brutal, je ferme la porte sur lui, bien résolu à jouir sans concurrent de ma chambre et des plaisirs que la nuit me promet. Cependant les marmitons et tous les habitants[2] de l’auberge tombent sur le pauvre diable dont j’ai coupé la retraite : l’un, armé d’une broche chargée de rôtis frémissants au feu, menace de lui crever les yeux ; un autre, saisissant un croc à suspendre les viandes, se place dans une attitude belliqueuse. Je remarquai surtout une servante vieille et chassieuse, qui, ceinte d’un torchon horriblement sale, et chaussée de sabots dépareillés[4], traînait par la chaîne un énorme dogue, et l’agaçait contre Eumolpe ; mais notre héros parait adroitement avec son chandelier tous les coups qu’on lui portait.