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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/207

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CHAPITRE XCVI.

Nous regardions toute cette bagarre à travers une fente qu’Eumolpe, un instant auparavant, avait faite à la porte, dont il avait brisé le marteau. J’applaudissais aux coups qu’il recevait ; mais Giton, toujours compatissant, était d’avis qu’il fallait lui ouvrir et le secourir dans ce pressant danger. Mon ressentiment n’était pas encore apaisé, et, pour punir Giton de sa pitié hors de saison, je ne pus m’empêcher de lui donner sur la tête une chiquenaude bien appliquée[1]. Le pauvre enfant, fondant en larmes, alla se jeter sur le lit. Pour moi, je mettais, tantôt un œil, tantôt l’autre, au trou de la porte, et je jouissais de voir Eumolpe ainsi maltraité ; c’était un aliment dont se repaissait ma colère ; quand tout à coup survint Bargate[2], le procurateur du quartier. Il avait quitté son souper pour venir mettre le holà, et se faisait porter dans sa litière sur le champ de bataille, parce qu’il était perclus de ses deux jambes. Il déclama longtemps d’une voix terrible et courroucée contre les ivrognes et les vagabonds ; puis, reconnaissant Eumolpe : — Quoi ! c’est vous, lui dit-il, vous, la fleur de nos poëtes ! et ces pendards de valets ne s’enfuient pas au plus vite ! et ils osent lever la main sur vous ! — Puis, s’approchant d’Eumolpe, il lui dit tout bas à l’oreille : — Ma femme prend avec moi des airs dédaigneux ; veuillez, pour l’amour de moi, faire une satire contre elle, afin qu’elle rougisse de sa conduite.