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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/21

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personnes. Mais, dira-t-on, Tacite n’appelle-t-il pas son Pétrone elegantiæ arbiter ? Oui, mais ces deux mots doivent être traduits par ceux-ci : « Arbitre du goût ; » ils ne forment donc là qu’une épithète. Séparez l’attribut du sujet, il ne vous restera qu’une abstraction. S’agit-il, au contraire, du Satyricon ? le mot seul Arbiter présente l’idée complète de son auteur ; il fait l’office de nom propre ; Arbiter et Pétrone sont alors synonymes. Aussi voyons-nous ces deux mots employés indifféremment l’un pour l’autre par Planciades Fulgence, Diomède, Servius Honoratus, Macrobe, Victorin, Sidoine Apollinaire, saint Jérôme, et Terentianus Maurus lui-même. C’est pour n’avoir pas fait cette remarque, que plusieurs savants ont erré.

2° Il n’existe pas plus de parité entre les ouvrages qu’entre les personnes. La diatribe dont parle Tacite fut composée un instant avant la mort de son auteur. Elle était donc fort courte, et contenait au plus quelques pages. Au moment où ses forces et son génie s’écoulaient avec son sang, restait-il au consul assez de verve pour improviser sur la guerre civile un poëme de trois cents vers, qui, selon quelques écrivains, valent seuls toute la Pharsale ? L’impromptu, sans doute, eût été merveilleux ; mais il serait venu à contre-temps : Lucain en eût été plus piqué que Néron, et ce n’était pas Lucain que Pétrone voulait punir. Quoi qu’il en soit, si l’on en croit Douza, nous avons à peine aujourd’hui la dixième partie du Satyricon ; cependant ce faible débris, échappé aux injures du temps, forme encore un volume assez considérable. Or, à qui persuadera-t-on qu’un ouvrage de si longue haleine ait été conçu et dicté en un seul jour, et par un homme à l’agonie ?