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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/212

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délivrait des persécutions d’Ascylte, et me promettait une existence plus heureuse. Vaincu par la générosité d’Eumolpe, je me repentais amèrement des mauvais procédés que je venais d’avoir à son égard, et je me reprochais la jalousie qui en avait été la cause. Je le conjurai donc, les larmes aux yeux, de me pardonner : — Il n’est pas, lui dis-je, au pouvoir d’un homme qui aime de réprimer ses transports jaloux ; mais je ferai en sorte de ne rien dire et de ne rien faire à l’avenir qui puisse vous déplaire. Vous devez donc, en véritable philosophe, bannir de votre esprit le souvenir des différends qui se sont élevés entre nous, de manière qu’il n’en reste aucune trace. Les neiges séjournent longtemps sur un sol inculte et raboteux ; mais, sur une terre unie et dompée par la charrue, elles se fondent aussitôt, comme une gelée blanche. Il en est de même de la colère : elle prend racine dans un esprit grossier, mais elle effleure à peine une âme éclairée. — Pour confirmer, répondit Eumolpe, la vérité de ce que vous dites, tenez, je vous donne le baiser de paix. Maintenant, pour que tout aille à bien, faites au plus vite vos paquets, et suivez-moi ; ou, si vous le préférez, soyez mes guides. — Il parlait encore, quand on heurta rudement à la porte, qui, en s’ouvrant, offrit à nos regards un marin à la barbe touffue. — Qui vous arrête ? dit-il à Eumolpe ; ne savez-vous pas qu’il faut se hâter[2] ? — Nous nous levons aussitôt, et Eumolpe, réveillant son valet qui dormait depuis longtemps, lui ordonne de partir avec notre bagage. Moi et Giton, nous faisons un paquet de tout ce qui nous reste de vivres ; et, après