Aller au contenu

Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une fervente prière aux astres[3] protecteurs de la navigation, nous montons à bord[4].


CHAPITRE C.

Nous nous plaçâmes dans un endroit écarté[1], près de la poupe ; et, comme il ne faisait pas encore jour, Eumolpe s’endormit. Quant à Giton et à moi, il nous fut impossible de fermer l’œil. Je réfléchissais tristement à l’imprudence que j’avais faite en recevant dans ma société Eumolpe, rival plus dangereux encore qu’Ascylte : sa présence m’inspirait les plus vives inquiétudes. Enfin, pour triompher de mon chagrin, j’appelai la raison à mon secours. — Il est fâcheux, disais-je en moi-même, que cet enfant plaise à Eumolpe. Mais, après tout, la nature n’a-t-elle pas mis en commun, pour l’usage de tous, ses plus belles créations ? Le soleil luit pour tout le monde. La lune, accompagnée d’un cortège innombrable d’étoiles, ne refuse pas même sa lumière aux bêtes sauvages qui cherchent leur pâture pendant la nuit. Qu’y a-t-il de plus beau que les eaux ? cependant elles coulent pour tous les habitants de la terre. Pourquoi donc l’amour seul serait-il le prix d’un larcin, plutôt que la récompense du mérite ? et, toutefois, nous n’estimons que les biens dont les autres nous envient la possession. Mais, après tout, je n’ai plus qu’un rival, et encore si vieux, que, s’il voulait prendre quelques libertés avec Giton, il perdrait sa peine et ses soins, faute d’haleine — Rassurée par le peu de vraisemblance d’une pareille tentative, mon humeur