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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/214

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jalouse se calma, et, me couvrant la tête de mon manteau, je feignis de dormir. Mais, au même instant, comme si la Fortune eût pris à tâche d’abattre ma constance, j’entendis, sur le tillac, ces paroles articulées d’un ton gémissant : — C’est donc ainsi qu’il s’est joué de ma crédulité ? — Les sons mâles de cette voix, qui ne m’était pas tout à fait inconnue, me frappèrent d’épouvante. Mais que devins-je, lorsqu’une femme, qui paraissait également irritée, s’écria d’un ton encore plus animé : — Si quelque divinité faisait tomber Giton entre mes mains, comme je recevrais ce fugitif ! — Cette rencontre imprévue nous glaça à tous deux le sang dans les veines. Moi, surtout, comme étouffé par un horrible cauchemar, je fus longtemps sans pouvoir proférer une seule parole. Enfin, d’une main tremblante, tirant Eumolpe, déjà endormi, par le pan de sa robe : — Mon père, lui dis-je, au nom du ciel ! à qui appartient ce navire ? ne pourriez-vous m’apprendre quels passagers y sont embarqués ? — Troublé dans son sommeil, il me répondit avec humeur : — Était-ce donc pour nous empêcher de dormir qu’il vous a plu de choisir l’endroit le plus écarté du tillac ? En serez-vous plus avancé quand je vous aurai dit que ce vaisseau appartient à Lycas de Tarente[2], qui ramène dans cette ville une voyageuse nommée Tryphène ?


CHAPITRE CI.

Ces paroles furent pour moi un coup de foudre. Je frissonnai de tous mes membres, et, présentant ma gorge à décou-