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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/215

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vert : — Fortune, m’écriai-je, tu l’emportes ! je suis perdu sans ressource. — Giton, renversé sur mon sein, y resta longtemps sans connaissance. Enfin, lorsqu’une abondante sueur nous eut rendu l’usage de nos sens, embrassant les genoux d’Eumolpe : — Ayez pitié, lui dis-je, de deux mourants. Au nom de cet enfant, nos communes amours, délivrez-nous de la vie[1] : la mort est devant nous, et, si vous n’y mettez obstacle, nous la recevrons comme un bienfait du ciel. — Étourdi de cette violente apostrophe, Eumolpe jure ses grands dieux qu’il ignore de quel événement nous sommes menacés, qu’il n’a eu aucun mauvais dessein, qu’il ne nous a tendu aucun piège, mais que c’est de bonne foi et le plus innocemment du monde qu’il nous a conduits sur ce navire, où son passage était arrêté depuis longtemps. — Quelles sont donc, dit-il, les embûches que vous redoutez ici ? quel nouvel Annibal se trouve à bord parmi nous ? Lycas de Tarente, à la fois le pilote et le propriétaire de ce vaisseau, est un fort honnête homme qui possède, en outre, plusieurs domaines : il a embarqué une troupe d’esclaves qu’il transporte à Tarente pour y être vendus[2]. Voilà le cyclope, le pirate auquel nous devons notre passage. Il y a aussi sur ce vaisseau Tryphène, la plus belle des femmes, qui aime à voyager de côté et d’autre pour son plaisir[3]. — Ce sont justement, reprit Giton, les ennemis que nous fuyons ! — Et, sur-le-champ, il raconta succinctement à Eumolpe, muet de surprise, les motifs de haine que ces gens avaient contre nous, et les périls dont nous étions menacés.