Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/216

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Interdit, et ne sachant quel parti prendre : — Que chacun, dit le poëte, expose son avis. Figurez-vous que nous sommes dans l’antre de Polyphème ; il nous faut chercher quelque moyen d’en sortir, à moins que nous ne préférions nous jeter à la mer, ce qui nous délivrerait à l’instant de tout danger. — Il vaudrait mieux, reprit Giton, tâcher d’obtenir du pilote, moyennant salaire, bien entendu, qu’il nous débarquât au port le plus voisin. Vous affirmerez que votre frère, tourmenté du mal de mer, est à toute extrémité. Pour donner à ce mensonge un air de vérité, vous vous présenterez au pilote les larmes aux yeux et le visage renversé, afin qu’ému de compassion il se rende à votre prière. — Cela n’est pas possible, répondit Eumolpe ; un grand vaisseau comme le nôtre n’entre que bien difficilement dans un port ; et, d’ailleurs, il ne serait pas vraisemblable que votre frère eût pu perdre la santé en si peu de temps. Ajoutez à cela que Lycas, par humanité, voudra peut-être visiter le moribond. Voyez maintenant s’il est de votre intérêt d’attirer auprès de vous ce même capitaine que vous fuyez. Mais supposons qu’il soit facile de détourner le vaisseau de sa destination lointaine ; supposons même que Lycas ne fera pas la visite et l’inspection de ses malades : comment parviendrons-nous à descendre du vaisseau sans être vus de tout le monde ? Sortirons-nous la tête couverte, ou nue[4] ? Si nous nous couvrons la tête, tout le monde voudra présenter la main à de pauvres malades ; si nous allons tête nue, ce sera nous jeter dans la gueule du loup.