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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/218

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que voici : je vous mettrai avec mes habits dans deux valises, qui seront censées faire partie de mon bagage, et j’en fermerai les courroies, en y laissant seulement une petite ouverture, par laquelle vous puissiez respirer et recevoir des aliments ; puis, demain matin, je publierai que mes deux esclaves, craignant un châtiment encore plus rigoureux, se sont jetés à la mer pendant la nuit ; et lorsque le vent nous aura conduits au port, je vous ferai débarquer avec mes valises, sans exciter aucun soupçon. — A merveille ! m’écriai-je ; nous prenez-vous pour des corps solides que l’on peut enfermer à volonté ? Croyez-vous donc que nous soyons exempts des nécessités ordinaires à tous les hommes ; que nous soyons habitués à rester immobiles, sans éternuer, sans ronfler ? Est-ce parce que ce stratagème m’a réussi une fois ? Mais je vous accorde que nous puissions rester tout un jour empaquetés de la sorte : qu’en résultera-t-il ? Si le calme ou les vents contraires nous retiennent en mer, que deviendrons-nous ? nous moisirons comme des habits renfermés trop longtemps, ou nous serons comme des livres qu’une forte pression rend illisibles. Jeunes comme nous le sommes, et peu faits à ce genre de fatigue, nous resterions emballés, emmaillottés comme des statues ! Cherchons donc, je vous prie, quelque autre moyen de salut. Que vous semble, par exemple, de cette invention ? Eumolpe, en sa qualité d’homme de lettres, doit avoir avec lui sa provision d’encre[1] : servons-nous-en pour nous teindre en noir de la tête aux pieds ; ainsi déguisés, nous passerons pour des esclaves éthiopiens, nous vous servirons comme tels, trop heu-