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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/219

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reux d’éviter ainsi le châtiment dont nous sommes menacés ; et notre changement de couleur nous rendra méconnaissables aux yeux mêmes de nos ennemis. — Oui-da ? reprit Giton ; que ne nous proposez-vous aussi de nous circoncire, afin qu’on nous prenne pour des Juifs[2] ; de nous percer les oreilles, pour ressembler à des Arabes ; ou de nous frotter le visage avec de la craie, pour paraître de vrais Gaulois ? comme si, en changeant notre couleur, nous pouvions aussi changer nos traits. Cela ne suffit pas ; il faut encore que tout concoure, que tout soit d’accord pour soutenir un pareil rôle. Supposons que la drogue dont on nous barbouillera soit longtemps sans s’effacer ; que l’eau qui tombera par hasard sur notre corps n’y fasse aucune tache ; que l’encre ne se collera pas à nos habits, ce qui arrive souvent, même lorsqu’on n’y met point de gomme : dites-moi, pourrons-nous aussi nous faire des lèvres d’une grosseur démesurée comme les Éthiopiens[3] ; friser nos cheveux comme les leurs, nous tatouer comme eux le visage, nous courber les jambes en cerceaux, marcher sur les talons[4], et imiter la laine qui leur couvre le menton ? croyez-moi, cette couleur artificielle nous salira le corps sans le changer. Écoutez l’avis que m’inspire le désespoir : enveloppons-nous la tête de nos robes, et jetons-nous à la mer.


CHAPITRE CIII.

Que les dieux et les hommes, s’écrie Eumolpe, vous préservent d’une mort si misérable ! faites plutôt ce que je vais