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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/220

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vous dire. Mon valet est barbier, comme vous l’avez pu voir déjà : eh bien ! il va vous raser sur-le-champ, à tous deux, non-seulement la tête, mais même les sourcils[1] ; ensuite je tracerai adroitement sur vos fronts une inscription qui indiquera que vous avez été marqués pour désertion : ces stigmates d’un honteux supplice déguiseront votre visage, et mettront en défaut la sagacité de ceux qui vous cherchent. — Cet avis prévalut, et l’on se mit sur-le-champ à l’œuvre. Nous nous approchons à pas de loup du bord du vaisseau, et nous livrons notre tête au barbier, qui fait tomber sous son rasoir nos cheveux et nos sourcils ; alors Eumolpe, d’une main exercée, nous couvre à grands traits le visage entier des lettres dont on marque ordinairement les esclaves fugitifs[2]. Par malheur, un des passagers qui, penché sur le flanc du navire, soulageait son estomac travaillé du mal de mer, aperçut, au clair de la lune, notre barbier en fonction à cette heure indue : maudissant cette action comme un funeste présage (car ce n’est qu’au moment du naufrage que les nautoniers font le sacrifice de leur chevelure), il se rejeta dans son lit. Pour nous, faisant semblant de ne pas entendre ses imprécations, nous reprîmes notre air triste ; et, gardant le plus profond silence, nous passâmes le reste de la nuit dans un sommeil agité. Le lendemain matin, dès qu’Eumolpe apprit que Tryphene était levée, il entra dans la chambre de Lycas. On s’entretint d’abord du beau temps et de l’heureuse navigation qu’il nous promettait ; puis Lycas, s’adressant à Tryphene, lui parla en ces termes :