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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/221

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CHAPITRE CIV.

Cette nuit, Priape m’est apparu en songe : Apprends, m’a-t-il dit, que j’ai conduit à bord de ton vaisseau cet Encolpe que tu cherches. — Tryphène tressaillit et s’écria : — On dirait que nous avons dormi sur le même oreiller ; car cette statue de Neptune, que j’avais remarquée sous le péristyle du temple de Baïes, m’est aussi apparue, et m’a dit : — Tu trouveras Giton dans le navire de Lycas. — Cela vous prouve, reprit Eumolpe, combien le divin Épicure a eu raison de blâmer, d’une manière si plaisante, ceux qui ajoutent foi à ces vaines illusions :


Ces songes, légers fils de l’ombre et du sommeil,
Que la nuit a formés, que détruit le réveil,
N’annoncent point du ciel les avis fatidiques :
L’homme à ses souvenirs doit leurs jeux fantastiques.
Dès que ce dieu pesant qui donne le repos
Sur nos sens engourdis a versé ses pavots,
Des entraves du corps l’âme débarrassée
Des scènes de la veille amuse la pensée,
Et, de l’illusion empruntant le pinceau,
D’un objet qui n’est plus trace un vivant tableau.
Voyez ce conquérant : fécond en funérailles,
Son bras de vingt cités sape encor les murailles,
Met les rois au tombeau, force leurs bataillons,
Et de ruisseaux de sang inonde les sillons.