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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/223

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CHAPITRE CV.

Troublé par ces paroles, Lycas devint furieux. — Est-il possible, dit-il, que quelqu’un des passagers ait eu l’audace de se couper les cheveux sur mon navire, et cela par une si belle nuit ? Qu’on amène ici les coupables, afin que je sache quels sont ceux dont le sang doit purifier ce navire. — C’est par mon ordre, dit Eumolpe, que cela s’est fait. Comme je devais faire route avec eux sur le même bâtiment[1], j’ai voulu par là me rendre les auspices favorables. En punition de leurs crimes, ils portaient leur chevelure longue et en désordre : pour ne pas faire un bagne de ce navire, j’ai ordonné à mon barbier de les nettoyer de leurs souillures ; j’ai voulu, en outre, que les stigmates d’infamie gravés sur leur front n’étant plus cachés sous l’ampleur de leurs cheveux, tout le monde pût y lire leur faute et leur châtiment. Parmi leurs divers méfaits, ils mangeaient chez une prostituée, qu’ils avaient en commun, l’argent qu’ils me volaient : c’est là que je les ai surpris la nuit dernière, parfumés d’essences et ivres-morts. Enfin, je crois que ces marauds flairent encore le reste de mon patrimoine. — Néanmoins, Lycas, pour purifier son vaisseau, nous condamna l’un et l’autre à recevoir quarante coups de corde[3]. L’exécution suivit de près l’arrêt. Les matelots, armés de câbles, se jettent sur nous comme des furieux, et se disposent à apaiser leur divinité tutélaire[2] par l’effusion d’un sang abject. Pour moi, je digérai les trois premiers coups