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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/224

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avec la fermeté d’un Spartiate[4] ; mais Giton, dès la première décharge, jeta un cri si perçant, que Tryphène s’émut aux accents de cette voix connue ; ses femmes en furent frappées comme elle, et s’élancèrent aussitôt vers le pauvre patient. Mais déjà l’extrême beauté de Giton avait désarmé les matelots eux-mêmes[5], et ses regards seuls, plus puissants que sa voix, plaidaient pour son pardon, lorsque les suivantes de Tryphène crièrent toutes à la fois : — C’est Giton ! c’est Giton ! Barbares ! suspendez ce cruel châtiment ! C’est Giton, madame ; venez à son secours ! — Ce nom n’eut pas plutôt frappé les oreilles de Tryphène (on croit sans peine ce que l’on désire), qu’elle vole vers l’aimable enfant. Quant à Lycas, qui ne me connaissait que trop, il n’eut pas besoin d’entendre ma voix ; certain de ma présence, il accourt ; et, sans s’arrêter à examiner mes mains ou mon visage, il fixe ses regards plus bas que ma ceinture, et, par un simple attouchement, s’assure que c’est bien moi. — Bonjour, Encolpe, me dit-il aussitôt. — Qu’on s’étonne maintenant que la nourrice du roi d’Ithaque l’ait reconnu, après vingt ans d’absence, à une cicatrice qu’elle avait remarquée en lui, puisque cet habile homme[6], malgré la confusion des traits de mon visage et le déguisement de toute ma personne, reconnut sur-le-champ son fugitif à un si léger indice ! Tryphène, trompée par l’apparence, prenait pour réels les stigmates gravés sur nos fronts, et nous demandait tout bas, en versant un torrent de larmes, quelle était la prison où l’on nous avait jetés comme vagabonds[7], quel était le bourreau