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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/228

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ami, c’est presque un parricide. — Eumolpe rétorqua ainsi cette fausse argumentation : — Je vois, dit-il, que ce qui fait le plus de tort à ces malheureux jeunes gens, c’est de s’être fait raser les cheveux pendant la nuit : vous concluez de là que le hasard, et non leur volonté, les a conduits sur ce vaisseau. Je vais tâcher d’expliquer ce grief aussi simplement et avec autant de bonne foi qu’il a été commis. Mes amis, avant de s’embarquer, voulaient décharger leur tête d’un fardeau incommode et inutile ; mais les vents, en précipitant leur départ, les ont forcés à remettre à un autre temps l’exécution de ce projet. Ils ont cru qu’ils pouvaient le réaliser ici aussi bien qu’ailleurs, sans que cela tirât à conséquence ; car ils ignoraient le présage funeste qu’on en pouvait tirer, et les lois de la navigation. — Qu’avaient-ils besoin, dit Lycas, de se raser la tête, pour s’offrir à nous en suppliants ? depuis quand un front chauve est-il plus digne de compassion ? Mais à quoi bon m’arrêter à chercher la vérité dans les paroles d’un interprète ? Qu’as-tu à dire, infâme voleur ? quelle salamandre[2] a fait tomber tes sourcils ? à quelle divinité as-tu fait le sacrifice de ta chevelure ? Réponds, misérable, réponds.


CHAPITRE CVIII.

La crainte du supplice avait glacé ma langue, et, convaincu par l’évidence, je ne trouvais pas une seule parole pour me justifier. Troublé, confus de ma laideur, il me semblait qu’avec une tête nue comme un genou, et des sourcils rasés au niveau