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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/229

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du front, je ne pouvais rien dire ni rien faire qui ne me rendît encore plus ridicule. Mais dès que l’on eut passé l’éponge sur mon visage baigné de pleurs, lorsque l’encre, en se délayant, confondit tous les caractères qui étaient tracés, et me couvrit la figure d’un masque noir comme de la suie, alors la colère qui m’animait se changea en fureur. Cependant, Eumolpe proteste qu’il ne souffrira pas qu’au mépris des lois et du droit des gens on maltraite ainsi des hommes libres : il repousse les menaces de nos bourreaux, non-seulement de la voix, mais du geste. Il est secondé dans ses efforts par son valet à gages, et par un ou deux passagers, mais si faibles, qu’ils peuvent tout au plus nous offrir des consolations, sans augmenter la force de notre parti. Trop irrité pour implorer la clémence de mes ennemis, je menace de mes ongles les yeux de Tryphène, criant à haute et intelligible voix que, si l’on fait le moindre mal à Giton pour cette prostituée, qui seule mérite d’être fustigée aux yeux de tout l’équipage, je ferai contre elle usage de toutes mes forces. Mon audace redouble la rage de Lycas, qui s’indigne que j’oublie ma propre défense pour embrasser celle d’autrui. Tryphène, non moins exaspérée de mes outrages, se livre aux mêmes transports. Enfin, tout l’équipage se partage en deux camps. D’un côté, le barbier d’Eumolpe s’avance, armé d’un rasoir, après nous avoir distribué le reste de sa trousse. Du côté opposé, les esclaves de Tryphène, retroussant leurs manches, se disposent à jouer des mains. Les servantes elles-mêmes, à défaut d’autres armes, excitent par leurs cris l’ardeur des com-