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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/230

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battants. Seul, tranquille à son poste, en vain le pilote déclare qu’il va quitter le gouvernail, si l’on ne fait cesser ce vacarme excité par quelques débauchés. La lutte se prolonge avec le même acharnement : Lycas et les siens combattent pour se venger ; nous, pour défendre notre vie. Déjà, de part et d’autre, plusieurs champions sont tombés demi-morts de frayeur[1] ; un plus grand nombre, couverts de sang et de blessures, se retirent de la mêlée ; cependant la fureur des deux partis ne se ralentit point. Alors Giton, approchant bravement son rasoir des organes de sa virilité, menace de couper dans sa racine la cause de tant de désordres ; mais Tryphène, en lui faisant espérer sa grâce, s’oppose à la consommation d’un si grand sacrifice. Pour moi, j’avais déjà plusieurs fois appuyé sur ma gorge le fer du barbier, sans avoir plus d’envie de me tuer que Giton de se faire eunuque ; néanmoins, il jouait son rôle plus hardiment que moi, car il savait que le rasoir qu’il tenait était le même dont il avait feint déjà de vouloir se couper la gorge. Les deux armées étaient toujours en présence, et le combat était sur le point de recommencer plus sérieux que jamais, quand le pilote obtint à grand’peine que Tryphène ferait l’office de héraut, et proposerait une trêve. Après avoir, selon la coutume, reçu le serment des deux partis, Tryphène, tenant à la main un rameau d’olivier dont elle a dépouillé la divinité tutélaire du vaisseau, s’avance hardiment au milieu des combattants, et leur adresse cette allocution :