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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/23

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donc caché ? Encolpe et son cher Ascylte n’ont ni feu ni lieu ; ils sont réduits à voler pour vivre. Néron est maître de l’univers ; le monde met en tremblant ses richesses aux pieds de ce tyran. Eumolpe est un pauvre poëte maltraité de la fortune ; il fait d’assez bons vers qu’on bafoue : Néron, bel esprit couronné, voit partout ses méchants vers applaudis [1] . Pour Trimalchion, c’est un vieillard cassé, chauve, difforme, cacochyme, du reste assez bon homme. Néron est dans la fleur de l’âge ; mais, sous les grâces extérieures de la jeunesse [2] , il cache un cœur féroce. Trimalchion fut autrefois esclave en Asie ; le commerce a fait sa fortune : Néron, né d’un sang illustre, petit-fils de Germanicus, fils adoptif d’un empereur, doit à sa naissance, et non point à son industrie, le pouvoir suprême dont il abuse. De plus, si le Satyricon est la peinture des nuits de Néron, si Trimalchion est Néron lui-même, comme quelques-uns le prétendent, pourquoi l’ouvrage entier ne nous offre-t-il qu’une seule orgie nocturne ? Pourquoi Trimalchion n’y préside-t-il pas en personne ? Pourquoi n’en est-il pas même un des acteurs subalternes ? Serait-ce là une finesse de l’art ? Mais, dans ce cas, comment l’empereur se serait-il reconnu dans ces hiéroglyphes perpétuels ? D’ailleurs, pour couvrir d’opprobre Néron,

  1. Vossius (de Poetis latinis) prétend que les vers de Néron n’étaient pas à mépriser ; et Voltaire dit quelque part, en parlant de cet empereur : « Ce jeune prince, après tout, avait de l’esprit et des talents. » Mais Perse a réfuté d’avance ce sentiment par ce vers qu’il applique à Néron, dans sa première Satire :
    Auriculas asini Mida rex habet……
  2. Selon Tacite, Néron était d’un extérieur agréable ; Suétone le fait difforme. Auquel ajouter foi ?