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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/233

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flots. Déjà s’opérait un raccommodement entre Lycas et moi ; déjà Tryphène, folâtrant avec Giton, lui aspergeait le visage des gouttes de vin qui restaient dans sa coupe[2] ; lorsque Eumolpe, échauffé par l’ivresse, se mit à plaisanter sur les chauves et les teigneux. Après s’être épuisé en fades railleries sur ce sujet, son accès poétique le reprit, et il nous débita cette espèce d’élégie sur la perte des cheveux :

Où sont ces beaux cheveux dont ton front s’ombrageait ?
A travers leurs flots d’or le zéphyr voltigeait.
Les grâces avec eux ont quitté ton visage :
Tel l’arbuste, en hiver, privé de son feuillage,
Languit seul à l’écart, et dans ses rameaux nus
Appelle, mais en vain, le printemps qui n’est plus.
Sort cruel ! en naissant voués à la vieillesse,
Nous mourons chaque jour : la fleur de la jeunesse
Compte peu de matins, comme la fleur des champs,
Et les premiers à fuir sont nos premiers beaux ans !
Rival du blond Phébus, et conquérant des belles,
Hier, tu défiais l’orgueil des plus cruelles ;
Leur vengeance aujourd’hui montre au doigt ta laideur.
Tu crains, pauvre tondu, leur sourire moqueur.
Cache de ses attraits la tête dépouillée !
La rose, par l’orage une fois effeuillée,
N’a qu’un moment à vivre ; et la pâle Atropos,
Sur le fil de tes jours a levé ses ciseaux.